Définition de l’« apocope » :
- Procédé linguistique consistant à tronquer un mot en élidant sa partie finale (syllabe, phonème, etc.).
- Peut concerner des noms propres, des noms communs ou encore des adjectifs.
- A pour objectif de raccourcir un mot par souci de rapidité et, généralement, par paresse articulatoire.
Exemples :
- Ciné pour cinéma
- Stéph’ pour Stéphanie
- Sympa pour sympathique
Qu’est-ce qu’une « apocope » ?
Je suis allé à la fac en métro pour rencontrer les profs de maths et de géo.
Une phrase toute simple, relativement banale, mais qui, pourtant, est dotée de cinq apocopes !
L’auriez-vous soupçonné ?
En effet, les mots fac, métro, profs, maths et géo sont bien ce que l’on appelle des apocopes. Issu du grec ancien « ἀποκόπτω » ou « apokóptô » (signifiant « retrancher »), l’apocope désigne un procédé linguistique de troncation d’un mot : la partie finale du mot complet est alors élidée, donc supprimée, pour ne garder que les lettres ou syllabes initiales.
C’est un procédé très courant en français que l’on retrouve dans de nombreux mots et que l’on emploie régulièrement au quotidien sans même s’en rendre compte :
Cinéma | Ciné |
Plus concrètement, l’apocope fonctionne sur un procédé d’amuïssement : ce dernier consiste à supprimer les phonèmes ou les syllabes d’un mot.
En règle générale, ce phénomène d’évolution phonétique d’un mot apparait en raison de l’accent tonique ou de la simplification d’un terme par relâchement articulatoire. La coupure du mot est habituellement arbitraire et vise à raccourcir ce dernier par souci d’économie, de place ou de rapidité.
Manif du 16 février contre la réforme des retraites : transports perturbés dans le centre de Nantes
(« Ouest France », article du 15 février 2023)
Quelques exemples d’apocopes en français
Le français est une langue que l’on tronque volontiers, plus particulièrement dans le langage familier.
Il existe ainsi une multitude de mots ou de locutions que l’on abrège, comme en témoignent les exemples suivants classés par ordre alphabétique.
Mot | Apocope |
Abdominaux | Abdos |
Amphithéâtre | Amphi |
Apéritif | Apéro |
Automobile | Auto |
Baccalauréat | Bac |
Biologique | Bio |
Bon appétit | Bon app’ |
Catastrophe | Cata |
Catholique | Catho |
Chimiothérapie | Chimio |
Climatisation | Clim |
Conférence | Conf |
Dermatologue | Dermato |
Dictionnaire | Dico |
Économique | Éco |
Exposition | Expo |
Faculté | Fac |
Football | Foot |
Réfrigérateur | Frigo |
Gastro-entérite | Gastro |
Géographie | Géo |
Hélicoptère | Hélico |
Hétérosexuel | Hétéro |
Homosexuel | Homo |
Kilogramme | Kilo |
Kinésithérapeute | Kiné |
Manifestation | Manif |
Mathématiques | Maths |
Mayonnaise | Mayo |
Météorologie | Météo |
Métropolitain | Métro |
Ordinateur | Ordi |
Petit-déjeuner | P’tit déj’ |
Philosophie | Philo |
Photographie | Photo |
Professionnel | Pro |
Professeur | Prof |
Publicité | Pub |
Quadragénaire | Quadra |
Quinquagénaire | Quinqua |
Récréation | Récré |
Récupération | Récup |
Référence | Réf |
Restaurant | Resto |
Stylographe | Stylo |
Sympathique | Sympa |
Télévision | Télé |
Tramway | Tram |
Tutoriel | Tuto |
Vélocipède | Vélo |
Pourquoi utiliser une apocope ?
L’apocope est très souvent utilisée en français, dans la langue de tous les jours où nous abrégeons des mots au quotidien, le plus souvent par paresse articulatoire ou par souci de rapidité.
J’veux qu’mes chansons soient des caresses
Ou bien des poings dans la gueule
À qui que ce soit que je m’adresse
J’veux vous remuer dans vos fauteuils
(Chanson « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? » de Renaud)
On pourrait aussi penser que l’apocope peut être associée à un phénomène de mode où abréger un mot parait plus tendance en le modernisant.
On se retrouve en soirée, comme d’hab’, pour boire une petite coupe de champ’, non ?
Par la même occasion, ce peut être aussi pour l’interlocuteur un moyen de se créer un sentiment d’appartenance par le biais du langage en s’appropriant le mot d’une nouvelle manière.
La langue (et donc l’usage que l’on en fait) devient un véritable marqueur social, signe d’embourgeoisement ou d’appartenance populaire à une communauté : prononcer un mot tronqué par nos soins, ce serait alors presque créer un groupe où seuls les initiés comprennent la véritable portée de ce terme.
Ce soir, on ira manger une glace à Ponta.
= Ce soir, on ira manger une glace à Pontaillac.
Mes parents habitent à Caudé.
= Mes parents habitent à Caudéran.
En littérature, par exemple, l’apocope permet de retranscrire de manière écrite le langage des personnes et leurs milieux sociaux.
On la retrouve aussi tout particulièrement chez les surréalistes où elle prend une forme plus déchiquetée, comme en témoigne cet extrait de Raymond Queneau dans Exercices de style :
Je mon dans un aut plein de voya. Je remar un jeu hom dont le cou é sembla à ce de la gira et qui por un cha a un ga tres…
(Raymond Queneau, « Exercices de style »)
Ce phénomène crée une grande flexibilité et malléabilité de la langue ce qui entraîne, bien souvent, l’apparition de mots nouveaux en français ou néologismes. L’apocope peut, en outre, concerner aussi bien des noms communs que des noms propres.
Pensez, par exemple, à certaines marques ou certaines personnalités politiques dont le nom est volontiers raccourci par souci d’économie : Sarko pour Sarkozy, Décath’ pour Décathlon ou encore McDo pour McDonald’s.
Exemples :
Alexandra/Alexandre | Alex |
Anne-Sophie | Anne-So |
Caroline | Caro |
Christophe/Christian | Chris |
Clémence/Clément | Clém |
Dominique | Dom |
Frédéric | Fréd |
Gabrielle/Gabriel | Gab |
Isabelle | Isa |
Jennifer | Jen |
Julie/Julien/Jules | Ju |
Raphaëlle/Raphaël | Raph |
Sébastien | Séb |
Stéphanie/Stéphane | Stéph |
L’apocope est aussi fréquente dans le langage courant pour désigner des lieux, des villes ou des quartiers, avec parfois un phénomène de double apocope (double abréviation) :
Boulevard Saint-Michel | Boulevard Saint-Mich’ |
Lycée Camille Jullian | Lycée Caju |
En fonction du niveau langagier, l’apocope peut être également plus ou moins courante : on la rencontre volontiers dans le langage familier et les expressions argotiques, alors que l’on aura tendance à l’éviter complètement dans une langue soutenue (communications formelles comme des e-mails, des lettres de motivation ou écrits académiques).
Je suis dég’ !
= Je suis dégoûté !
On est rentrés à trois heures du mat’.
= On est rentrés à trois heures du matin.
Alors, assiste-t-on finalement à un appauvrissement de la langue comme le craignent certains d’entre nous ?
Pas tellement !
Les langues, y compris le français, sont soumises à de nombreuses évolutions et métamorphoses, à l’image de la société. Leur mouvance traduit plutôt une adaptation à la vie actuelle et garantit ainsi leur pérennité afin de les préserver de toute extinction.
Les différents niveaux langagiers perdurent de toute manière, l’essentiel étant bien sûr de bien pouvoir distinguer les catégories de langages qui caractérisent un idiome (langue soutenue ou formelle, langue familière) afin de bien les employer dans le bon contexte.
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« Apocope », « aphérèse » ou « syncope » ?
Ces trois procédés consistent à abréger un mot, mais vont opérer la transformation du terme sur différents niveaux, qu’il s’agisse de son suffixe, de son préfixe ou de son radical.
L’aphérèse peut être considérée comme l’antonyme de l’apocope puisqu’elle consiste, pour sa part, à couper le début d’un mot pour n’en garder que le phonème final.
Exemples :
Autobus | Bus |
Autocar | Car |
Hélas | Las |
Enfin, attention à ne pas confondre l’apocope avec la syncope qui consiste, elle, à tronquer un mot aussi bien au début, au milieu et à la fin du terme !
En ce sens, elle traduit bien cette notion d’« évanouissement » de certaines lettres au sein d’un terme.
Exemples :
Maman | M’man |
Monsieur | M’sieur |
S’il te plaît | S’te plaît |
Voilà | Vlà |
Remarque :
Ces mécanismes de troncation font tous partie des métaplasmes, c’est-à-dire de changement phonétique d’un mot grâce à des procédés d’addition, de suppression ou de troncation.