Définition de l’ « hyperbate » :
L’hyperbate est une figure de style consistant à changer l’ordre de mots habituellement réunis au sein d’une phrase. Les termes peuvent être placés au tout début de la phrase ou, cas le plus fréquent, à la toute fin.
Ce bouleversement de l’ordre grammatical des mots permet de les isoler et donc, de les mettre en valeur pour créer un effet de surprise ou une mise en valeur des termes.
Exemple :
- Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose…
(Ronsard, « Comme on voit sur la branche »)
« Hyperbate » : définition d’une figure de style de l’inversion
Une hyper… quoi ?
Hyperbate !
Peut-être, faites-vous partie des nombreuses personnes n’ayant jamais entendu ce nom féminin qui, pourtant, existe bel et bien en français.
De fait, l’hyperbate est une figure de style peu connue, que l’on retrouve dans la littérature, tout particulièrement en poésie ou au théâtre. S’il est vrai que l’on est plus habitué à entendre parler d’une « hyperbole » lorsque l’on étudie les figures de rhétorique, l’hyperbate reste néanmoins une des figures de style les plus indiquées pour créer l’étonnement ou la surprise.
Ce procédé stylistique consiste, comme son nom grec l’indique, à inverser l’ordre habituel des mots au sein d’une phrase : les termes de la phrase sont alors antéposés ou postposés, c’est-à-dire placés au début ou à la fin de la phrase.
Las ! Voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! Las ! ses beautés laissé choir.
(Pierre de Ronsard, « Odes »)
Dans la grande majorité des cas, le syntagme est ajouté au bout de la phrase qui semblait être terminée. On parle de « dislocation » des mots avec un rejet des termes à la toute fin de la phrase.
Cette rupture de la structure de la phrase peut être complétée par une virgule ou une conjonction, telle que la conjonction de coordination et.
Résultat : une syntaxe de phrase bouleversée, même si tous les éléments de la phrase y sont réunis. Surprenant !
Exemple :
Albe le veut, et Rome ; il leur faut obéir
(Corneille, « Horace »)
Hyperbate, anacoluthe ou synchise : quelles différences ?
L’hyperbate est une figure de style proche de deux autres figures de rhétorique : l’anacoluthe et la synchise.
Une anacoluthe est une figure de style consistant à créer une rupture syntaxique, volontaire ou non, dans la structure de la phrase afin d’en perturber la lecture. On la retrouve assez souvent en poésie notamment. Lorsqu’elle n’est pas volontaire, l’anacoluthe est considérée comme une faute de syntaxe.
Exemple d’anacoluthe :
Exilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
(Baudelaire, « L’Albatros »)
Une synchise, ou synchyse, consiste, quant à elle, à modifier l’ordre des mots d’une phrase jusqu’à la rendre confuse, voire, parfois, totalement incompréhensible.
Cette figure de style est particulièrement prisée par le romancier et membre de l’Oulipo Raymond Queneau qui en fait usage dans son ouvrage « Exercices de style », publié en 1947.
Exemple de synchise :
Ridicule jeune homme, que je me trouvai un jour sur un autobus de la ligne S bondé par traction peut-être cou allongé, au chapeau la cordelière, je remarquai un.
(Raymond Queneau, « Exercices de style »)
Pourquoi utiliser une figure de rhétorique comme l’hyperbate ?
1. La mise en évidence des termes
Par le bouleversement et le renversement même de l’ordre des mots, l’hyperbate permet de mettre certains termes en évidence : ceux antéposés ou ceux, à l’inverse, postposés.
Cet effet crée une impression de dynamique au sein du texte et peut être plus particulièrement utilisé en poésie afin de faciliter l’enjambement des vers (la coupe ou « césure » du vers).
Exemple :
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
(Paul Verlaine, « Sagesse »)
2. Créer un effet de surprise
L’isolement des termes disjoints au sein d’une figure de style telle que l’hyperbate a un objectif bien précis.
En effet, ce bouleversement volontaire utilisé par l’auteur permet de renforcer la signification des mots et de mettre l’accent sur ces derniers. Objectif : créer un effet d’attente, voire de surprise.
C’est la raison également pour laquelle elle est très prisée des orateurs, en créant une emphase spectaculaire à la toute fin du discours. D’après l’auteur Émile Littré, elle vient exprimer une violente affection de l’âme : c’est donc une figure de rhétorique idéale pour exprimer ses sentiments.
Remarque :
L’hyperbate est également volontiers utilisée dans les portraits, la description ou dans les pastiches (œuvres littéraires satiriques consistant à imiter un auteur, de manière volontaire ou non).
Exemple :
Le matin, elle fleurissait ;
Avec quelles grâces, vous le savez.
(Jacques-Bénigne Bossuet, « Oraisons funèbres »)
Quelques exemples d’hyperbates
Voici quelques exemples d’hyperbates que l’on retrouve couramment dans la littérature ou dans le milieu cinématographique :
Elle avait de belles mains, mais rouges.
(Honoré de Balzac, « Albert Savarus »)
Quelques braves gens mourraient, dont c’était le métier.
(Marguerite Yourcenar, « L’œuvre au noir »)
Les armes au matin sont belles, et la mer.
(Saint-John Perse, « Anabase »)
De battre mon cœur s’est arrêté
Film de Jacques Audiard.
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Ce qu’on retient de l’hyperbate
Si certaines figures de style sont relativement courantes et connues (antithèse, oxymore ou pléonasme, par exemple), l’hyperbate reste relativement rare.
Majoritairement utilisée dans des textes littéraires, cette figure de style consiste à décaler certains mots ou groupes de mots (syntagmes) au sein de la phrase afin d’en bouleverser la structure. La persistance des conjonctions ou des signes de ponctuation, comme la virgule, permet de garder une certaine logique au sens de la phrase et à sa compréhension.
Une figure de style décidément très surprenante, donc !