Plan de l’article :
Qu’est-ce que l’« énantiosémie » ?
Issu du grec « ἐναντίος » ou « enantίos » (« ce qui est opposé ») et de « σῆμα » ou « sễma » (« le signe »), un énantiosème désigne, en linguistique, un « mot dont la signification peut se contredire » et donc présenter une certaine ambivalence.
En raison de son ambiguïté et de sa polysémie, l’énantiosème peut livrer de nombreuses interprétations et nécessite de la réflexion et une certaine mise en perspective du mot dans son contexte pour bien en saisir le sens et la portée.
Quelle est la différence entre un « énantiosème » et un « contronyme » ?
Aucune !
Un contronyme est tout simplement un mot synonyme de l’énantiosème : il désigne donc également tous les termes désignant une chose et son contraire.
Quelques exemples de mots qui se contredisent en français
L’énantiosémie est un phénomène bien plus courant qu’on ne le croit. Voici une liste d’exemples les plus courants dans la langue française afin de mieux comprendre leurs différentes interprétations :
1. Amateur
Amateur est un emprunt du mot latin « amator », dérivé du verbe « amare » (« aimer »). Ce nom peut désigner une « personne novice dans un domaine » ou encore une « personne expérimentée et compétente ».
C’est un comédien amateur : il débute, mais apprend vite !
Véritable amateur de judo, il s’y consacre au moins trois fois par semaine afin de progresser.
2. Aménités
Ce nom féminin issu du latin « amoenitas » (« charme ») peut être employé de deux manières.
Il peut, d’une part, être synonyme de « courtoisie », d’« amabilité » et, d’autre part, être utilisé de manière ironique pour faire référence à un échange ponctué de « propos blessants ».
Le général fut accueilli avec beaucoup d’aménité.
Rien ne pouvait les réconcilier et leurs échanges d’aménité se sont poursuivis jusque tard dans la nuit.
3. Auguste
On retrouve ce terme autant sous la forme d’un adjectif que d’un substantif.
En tant qu’adjectif, il vient désigner quelque chose « inspirant le respect » et vient désigner un « clown » dans sa forme substantive.
Il s’éloigna, chassant ses pensées négatives d’un geste auguste.
Un auguste était présent pour divertir les enfants.
4. Apprendre
Le verbe apprendre vient du latin « apprendere » : il peut désigner l’action d’« acquérir de nouvelles connaissances » dans un domaine ou, dans le sens inverse, « transmettre des connaissances par le biais de l’enseignement ».
J’apprends l’italien depuis trois ans.
Je leur apprends l’italien depuis trois ans.
5. Bête
Employé comme adjectif ou comme nom, bête peut désigner une personne « idiote » ou, inversement, une personne « très intelligente ».
À vous de voir et, surtout, de ne pas vous tromper !
Ma petite sœur est vraiment bête de croire aux mensonges de son copain.
Clélia est une bête en géographie.
Le saviez-vous ?
La Bête humaine est le titre d’un célèbre roman d’Émile Zola, publié en 1890.
Remarque :
Dans la vie courante, une personne très intelligente peut aussi être qualifiée de crack.
- Grégoire est un crack en anglais.
6. Chasser
Chasser peut vouloir dire « être à la poursuite de quelqu’un ou quelque chose », mais aussi « faire fuir quelqu’un ou quelque chose ».
Ce verbe est issu du latin « captiare », altération de « captare » : on retrouve, d’ailleurs, la graphie latine dans certains mots de la langue française (captif, capturer, capture, etc.).
Il chassa une mouche de la main et poursuivit sa route.
Il chasse le gibier tous les week-ends.
7. Confondre
Il est possible d’employer confondre pour dire « se tromper » ou bien « reconnaître, identifier, démasquer quelqu’un ».
Ce verbe est issu du latin « cofundere » (« mélanger », « unir »), forme que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres langues romanes avec « confondere » en italien ou « confundir » en espagnol.
Je l’ai confondu avec mon ancien prof de sciences physiques.
Le voleur a été confondu par un témoin de la scène et a été appréhendé par la police.
8. Consulter
Ce verbe peut être facilement confondu puisque, dans le milieu médical, il peut aussi bien s’appliquer au médecin qu’au patient.
Ainsi, un médecin peut « recevoir son patient à un rendez-vous » ou, à l’inverse, le patient peut « aller à un rendez-vous du médecin ».
Arnaud a consulté le médecin, car sa sciatique a empiré.
Le médecin consulte tous les matins de neuf heures à treize heures.
9. Défendre
Défendre peut indiquer une « interdiction » ou la « protection » de quelqu’un ou quelque chose. On retrouve cette étymologie directement dans la racine latine du verbe « defendere », signifiant « repousser ».
Je te défends d’entrer dans cette pièce.
Je l’ai défendu contre l’agresseur.
10. Drôle
L’adjectif qualificatif drôle peut être utilisé pour décrire une situation « marrante, amusante » ou quelque chose de « suspect », « anormal ».
Son histoire était vraiment drôle, nous avons beaucoup ri.
C’est une drôle de personne, je ne me sens pas à l’aise avec elle.
D’où vient le mot « drôle » ?
L’adjectif drôle est issu du néerlandais « drolle » ou « drol », désignant un « lutin », « petit bonhomme ». Dans le sud de la France, ce mot est employé sous forme de régionalisme pour désigner un « enfant », une évolution sémantique pourtant très proche du terme néerlandais d’origine.
- Je vais chercher les drôles à l’école.
11. Écran
Issu de l’ancien français « escran », un écran est un « dispositif électronique permettant d’afficher des images ou des données » : un écran d’ordinateur, un écran de smartphone ou encore un écran de téléviseur, par exemple.
Cependant, ce peut aussi être un « dispositif permettant de cacher ou masquer quelque chose », origine que l’on retrouve dans le terme néerlandais « scherm » désignant une « grille ou un paravent ».
L’écran de son téléphone portable s’est cassé en tombant au sol.
L’écran solaire protège des rayons UV afin de protéger la peau contre les coups de soleil et des effets néfastes d’une longue exposition au soleil.
12. Gâter
Issu du latin « vastare » (« détruire ») à qui l’on doit le verbe français de même étymologie, « dévaster », gâter peut être employé de deux manières : lorsque quelque chose est « altéré », « abimé », « endommagé » ou, inversement, « favoriser et entretenir les défauts » d’une personne en faisant preuve d’une trop grande indulgence.
Nous avons jeté les fruits gâtés à la poubelle.
Ses cousins ont été gâtés pour leur anniversaire et ont obtenu beaucoup de cadeaux.
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13. Hôte
Un hôte, du latin « hospes », peut être en même temps la « personne qui accueille, qui reçoit » (c’est-à-dire le « maître de maison ») et celle qui « est reçue ».
Comme l’indique l’Académie française, on retrouve ce sens directement dans le terme latin d’origine, « hospitem », désignant « celui qui donne ou reçoit l’hospitalité ».
Nous avons accueilli notre hôte hier soir.
Jean est notre hôte et il nous a reçus avec beaucoup d’égard.
14. Licencier
Licencier est issu du latin « licentiare », signifiant « congédier ». De facto, on peut licencier une personne, c’est-à-dire la « congédier », la « démettre de ses fonctions ».
Mais, comme tous les mots à double sens présentés dans cette liste, licencier peut aussi être utilisé en français pour indiquer « une autorisation de travail, d’activité ».
Ludo a été licencié par son supérieur.
Romane est licenciée dans un club de handball.
15. Louer
Louer s’utilise aussi bien pour « mettre un bien en location » ou « prendre un bien en location ». Le terme latin d’origine, « locare », a donné les mots location, locataire ou encore locatif dans la langue française.
Je loue des vélos sur l’île de Ré pendant la haute saison.
J’ai loué un vélo pour me déplacer sur l’île de Ré.
Pour aller plus loin :
Louer peut également être employé en français pour « honorer », « vanter les mérites » de quelqu’un ou quelque chose.
- Le professeur a loué les talents de son élève.
- Cet homme est loué de tous.
= Le professeur a vanté les mérites de son élève.
= Cet homme est honoré de tous.
16. Partager
Partager est issu du substantif masculin partage auquel a été rajouté le suffixe « - er ». Il signifie « avoir quelque chose en commun » ou « diviser », « répartir ».
Nous avons partagé un appartement pendant les vacances, c’était idéal.
Le gâteau a été partagé en six parts.
17. Plus
Source de confusion à l’écrit comme à l’oral, plus peut signifier « davantage » lorsqu’il est utilisé comme comparatif ou superlatif de beaucoup ou, inversement, indiquer l’« absence » de quelque chose.
Je veux plus de gâteau !
— Je te donne encore un peu de gâteau ?
— Non, je ne veux plus de gâteau, merci.
« Comparatif », « superlatif » : de quoi s’agit-il ?
Un comparatif permet de comparer et peut porter sur des adjectifs, des adverbes ou des noms. Il existe plusieurs types de comparatifs comme le comparatif d’infériorité, d’égalité ou de supériorité.
Ce dernier se construit avec plus et que afin d’établir une comparaison dans la phrase : plus intelligent que, plus grand que, plus créatif que, plus vite que, etc.
- Marion est plus grande que Charlène.
- Il a plus de courage que son grand frère.
- Fabien parle plus de langues qu’Elsa.
Un superlatif exprime le plus haut degré de quelque chose : on parle alors de superlatif d’infériorité ou de supériorité. Ce dernier se construit avec le/la plus et de/du/des.
- C’est le film que j’ai le plus aimé de tous.
- C’est le restaurant le plus cher des trois que nous avons dans la liste de recommandations.
- Léa est définitivement la personne la plus gentille du groupe.
18. Remercier
Issu de l’ancien français « mercier » (« exprimer sa gratitude »), ce verbe s’apparente directement au substantif merci.
Il peut être employé pour « exprimer sa gratitude » (comme dans une lettre de remerciement, par exemple) ou, par euphémisme, pour « congédier » une personne.
Nous vous remercions infiniment pour votre gentillesse et votre bienveillance.
Noémie a été remerciée sans ménagement par son entreprise.
19. Sacré
Sacré peut être interprété de deux manières différentes : il peut être employé au sens propre dans l’univers du culte et de la religion pour désigner quelque chose de « saint », de « béni ».
Au sens figuré, il sera plutôt utilisé de manière péjorative pour décrire quelque chose ou quelqu’un de « maudit », « satané ».
Ce temple est sacré.
C’est un sacré personnage !
Remarque :
On retrouve le mot sacré dans le juron sacré nom de Dieu.
- Quelle ordure, sacré nom de Dieu !
20. Sanctionner
Le verbe sanctionner est issu du substantif féminin sanction, dérivé des termes latins « sanctio » et « sancire » (« rendre irrévocable »).
Le gouvernement veut alourdir certaines sanctions pénales.
Il peut vouloir dire « réprimer quelque chose » ou, inversement, « récompenser, valider, ratifier quelque chose ».
L’Union européenne a sanctionné huit personnes pour plusieurs manquements relatifs aux données personnelles.
Les quatre années d’études sont sanctionnées par un diplôme reconnu au sein de l’Union européenne.
Attention !
Il est préférable d’utiliser le verbe sanctionner avec un complément désignant une chose, et non une personne.
- Je sanctionne cette faute irréparable.
- L’employeur a puni son employé pour ses multiples erreurs.
21. Trinquer
Trinquer est un verbe à double sens : il peut vouloir dire « porter un toast », « lever son verre » à quelqu’un ou à un succès, mais aussi « subir les conséquences néfastes » de quelque chose.
Un discours de bienvenue a été prononcé avant de trinquer.
On a littéralement payé les pots cassés et trinqué pour tout le reste du groupe.
Le saviez-vous ?
Trinquer est issu du verbe allemand « trinken ».